Raconter dans un livre tout ou partie de son parcours et de son histoire familiale est un projet ambitieux qui peut se heurter à quelques écueils rendant sa réalisation impossible ou décevante. En voici cinq. Cette liste n’est pas exhaustive, elle se compose de ceux que j’ai le plus souvent rencontrés chez mes clients.
1. J’ai très peu de temps à y consacrer dans les mois qui viennent

Pour écrire son autobiographie, mieux vaut y consacrer du temps de façon régulière sur plusieurs mois, par exemple en réservant quelques heures par semaine à ce projet :
– Vos souvenirs vous reviendront plus facilement en mémoire. Les anecdotes précises et pertinentes à raconter seront plus nombreuses.
– Vous garderez bien en tête ce que vous avez déjà rédigé, ce qui vous permettra d’obtenir un récit cohérent, structuré, homogène.
– Vous verrez rapidement votre livre grossir, ce qui sera rassurant et motivant.
– Vous écrirez de plus en plus facilement et de mieux en mieux (comme dans tous les domaines, on progresse plus vite et davantage par une pratique régulière).
Par conséquent, si vous avez envie de vous lancer dans la rédaction de votre autobiographie, mais que vous êtes accaparé par mille choses plus urgentes, demandez-vous s’il ne serait pas plus pertinent de reporter votre projet à des jours plus calmes ou de faire écrire votre livre par un professionnel (les interviews sont moins chronophages que l’écriture). Sinon vous risquez d’être confronté à plusieurs désillusions :
– Avoir l’impression que vous n’avancez pas et que vous n’en verrez jamais le bout,
– Avoir du mal à « retrouver le fil », lorsque vous reprenez votre récit,
– Oublier des aspects importants de votre vie,
– Écrire une histoire hétérogène (en terme de ton, d’atmosphère, de temps de narration),
– Avoir du mal à rédiger
– Bref, ne prendre aucun plaisir à ce projet qui, pourtant, vous tient à cœur.
Dans ces conditions, mieux vaut reporter, libérer quelques heures dans votre emploi du temps hebdomadaire ou confier la rédaction de votre livre à un écrivain.
2. Mon projet est de publier mon autobiographie pour gagner de l’argent et compléter ma pension de retraite :

Certains voient, dans l’écriture d’un livre sur leur parcours, un moyen de résoudre leurs difficultés financières. « Je vais raconter ma vie, comme le font de nombreuses célébrités, publier mon récit et, ainsi, gagner beaucoup d’argent ».
Si telle est votre approche, vous avez toutes les chances d’être profondément déçu. Extrêmement rares sont les anonymes publiés par les maisons d’édition connues, même si leur livre est remarquable. Les éditeurs croulent sous les sollicitations. Difficile d’être lu (alors, publié, je vous laisse imaginer !) si vous n’êtes pas introduit par une personne disposant d’une notoriété dans le monde de l’édition. D’autre part, la vente d’un exemplaire d’un livre ne rapporte que quelques Euros à son auteur. Il faut qu’il en vende vraiment beaucoup pour que cela change son niveau de vie.
Vous avez peut-être l’intention d’être votre propre éditeur. C’est une idée intéressante, car elle permet de tirer davantage de revenus de la vente de chaque livre. Mais cette solution suppose que vous soyez prêt à consacrer beaucoup de temps et d’énergie à sa promotion, à participer à de nombreux salons, à développer un blog sur la problématique qu’il illustre, etc. Ce n’est pas donné à tout le monde de se lancer dans ces activités et, dans tous les cas, il est peu probable que vous en tiriez de gros revenus.
Par conséquent, si votre seule motivation est économique (et que vous n’êtes ni footballeur professionnel ni star de la téléréalité), mieux vaut renoncer à votre projet d’écriture : il va vous prendre beaucoup de temps et risque de vous coûter davantage qu’il ne vous rapportera !
Écrire son autobiographie n’est pertinent que si vous y prenez plaisir et que vous avez envie de transmettre quelque chose à votre famille, à vos amis, à votre cercle de connaissance. Si la diffusion de votre livre va au-delà, ce sera la cerise sur le gâteau, et non le gâteau lui-même.
3. Je n’ai pas envie d’aborder un événement majeur de mon parcours :

Vous êtes peut-être très motivé pour écrire votre autobiographie… mais vous ne souhaitez pas révéler tous les épisodes de votre vie.
Si ceux que vous voulez taire n’ont pas joué un rôle déterminant dans votre parcours, ce n’est pas un souci : bien sûr, vous n’êtes pas tenu de tout raconter ! Il vous revient de choisir ce que vous voulez transmettre et de garder votre jardin secret pour vous.
En revanche, si vous voulez occulter un pan de votre vie qui a été déterminant dans votre construction et votre évolution, c’est nettement plus problématique. Une autobiographie raconte avant tout « comment vous êtes devenu la personne que vous êtes aujourd’hui ». Taire un des « comment » décisifs risque de rendre votre récit bancal : vos lecteurs vont sentir qu’il leur manque une clé pour comprendre votre personnalité, vos choix, votre regard sur la vie. Vous allez rester une énigme, alors même que l’autobiographie est destinée à léguer une perception claire de soi.
Si vous ne pouvez évoquer ce qui a déterminé vos choix de vie et ce qui vous a modelé, il vaut sans doute mieux renoncer à votre projet de livre qu’en écrire un qui ne sera pas suffisamment sincère et transparent.
S’il vous semble douloureux ou difficile de parler de certains sujets, vous pouvez tout à fait les évoquer brièvement, à demi-mot, et détailler davantage leurs conséquences sur votre vie. D’une part, cela vous fera du bien. D’autre part, vos proches seront heureux de comprendre a posteriori certains de vos choix, certaines de vos réactions dans des contextes bien précis.
4. Je vais écrire mon autobiographie pour faire plaisir, parce qu’on me l’a demandé, alors que je n’en ai pas envie.

On ne parle bien de soi que si l’on est convaincu de l’intérêt de le faire. Un livre n’est bon que s’il a été écrit avec cœur.
Si vous vous forcez, par exemple parce que vos descendants insistent pour que vous laissiez un témoignage de votre vie :
– vous trouverez difficile de vous motiver jusqu’au bout. Écrire une autobiographie demande des efforts, de l’énergie et du temps : sans une vraie motivation, vous avez toutes les chances d’abandonner en cours de route.
– vous risquez d’aller trop vite pour vous débarrasser de ce qui ressemble chaque jour davantage à une corvée. Vos écrits risquent d’être superficiels, de correspondre à ce que l’on attend de vous plus qu’à ce que vous êtes réellement.
– votre manque d’enthousiasme se ressentira dans votre récit et, finalement, votre ennui risque d’être partagé par vos lecteurs.
L’investissement que représente la rédaction d’un livre n’est possible que si ce projet vous apporte, jour après jour, plaisir et enthousiasme.
5. Mon objectif est de dire mes quatre vérités, de me défouler :

Je suis souvent en contact avec des personnes qui souhaitent faire de leur livre un réquisitoire contre leur entourage, auquel elles ont de nombreuses choses à reprocher. Elles attendent ce moment depuis si longtemps, qu’elles prévoient de se faire le plaisir de dire leurs quatre vérités à leurs proches dès l’avant-propos. Elles ont pourtant pour objectif de se réconcilier avec eux.
Mettons-nous à la place des destinataires de ces livres : s’ils prennent un savon dès la première page, que vont-ils faire ? À coup sûr, refermer le livre, probablement le mettre à la poubelle, au mieux l’enfouir au fond d’un placard qu’ils n’ouvrent jamais. Et le message que l’auteur voulait leur adresser aura autant de chance d’être reçu que celui que les naufragés jetaient à la mer dans une bouteille.
Pire, si le livre est lu, leurs difficultés relationnelles s’aggraveront : attaquer ses proches par écrit, dans un livre, rend hautement improbable la réconciliation.
Une personne que j’ai accompagnée dans son projet d’autobiographie illustre bien cette problématique. Dès la première ligne du premier chapitre, elle voulait traiter ses enfants de noms d’oiseaux ! Je me suis battue en vain pendant des semaines pour lui faire comprendre qu’avec une telle introduction ils ne liraient pas son livre, alors qu’il révélait le calvaire qu’avait été son enfance, calvaire qui expliquait pour une large part les difficultés relationnelles qu’elle avait ensuite connues avec eux.
Contre toute attente, juste avant que nous lancions la fabrication de son livre, ses enfants l’ont recontactée. Elle n’avait pourtant aucune nouvelle d’eux depuis une dizaine d’années. Ils étaient prêts à renouer le dialogue. Imaginez la catastrophe si leur mère leur avait envoyé son livre avant leur appel ! Leur réconciliation aurait été rendue impossible.
D’autre part, n’oubliez jamais que ce que vous écrivez dans un livre restera. Vos propos se transmettront de génération en génération. Êtes-vous certain que vous voulez que vos arrière-arrière-arrière-petits-enfants ne retiennent de leur ancêtre (vous !) que ses différends financiers avec ses enfants ou sa colère après leur déménagement à l’autre bout de la France ?
Ne vaut-il pas mieux renoncer à votre projet ou, mieux, accepter de ne relater que les autres aspects de votre vie ?
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