1. Avant de commencer à écrire

6 questions à vous poser avant d’écrire le premier mot de votre autobiographie

On ne construit pas un bâtiment avant d’en avoir dessiné les plans et sans savoir à quoi il servira.

On ne prend pas le volant sans avoir une idée de notre destination.

On n’écrit pas une lettre sans savoir à qui on l’enverra ni ce que l’on souhaite y transmettre comme information.

Tout cela tombe sous le sens.

Alors pourquoi commencer à écrire son autobiographie sans s’être posé quelques questions sur le résultat que l’on souhaite obtenir ? Beaucoup se lancent, pleins d’enthousiasme, sans avoir réfléchi, sans avoir muri leur projet, se disant que c’est inutile, puisqu’il ne s’agit que de raconter une histoire qu’ils connaissent par cœur. Facile !

Et, au bout de quelques mois, ils réalisent que ce qu’ils ont commencé à écrire ne les satisfait pas, sans toujours bien comprendre ce qui les déçoit…

Il y a mille façons de raconter une même histoire. La bonne – pour son auteur – dépend de ses intentions. Certaines de ces intentions font l’objet d’autres articles de ce blog (« 14 raisons pour raconter sa vie dans un livre. Quelle est la vôtre ? », « Les différentes formes que peut prendre une autobiographie »…). Ici, je vais en rappeler six autres, à partir de six questions qu’il est INDISPENSABLE de se poser avant de commencer à écrire. Vos réponses vous permettront de préciser votre projet. Lorsque vous écrirez, il vous faudra les garder en tête pour être certain que votre récit répondra à vos objectifs.

1. À qui est destiné votre livre ?

Peut-être n’écrirez-vous que pour vous-même. Vous pourrez alors coucher sur le papier vos pensées les plus intimes, tout raconter, dévoiler votre jardin secret. Vous n’aurez pas à présenter les protagonistes de votre histoire, expliquer le contexte historique ou culturel : vous les connaissez déjà.

Peut-être écrirez-vous pour vos proches. Le terme est alors à préciser : s’agit-il uniquement de vos descendants, de votre famille au sens large, de vos amis, de vos connaissances ? En fonction de votre réponse :

– vous ne choisirez pas les mêmes anecdotes ou vous ne les raconterez pas de la même façon,

– vous aurez besoin ou pas de présenter les personnes et les lieux que vous évoquerez, le contexte dans lequel vous avez évolué.

Peut-être écrirez-vous pour être lu par un large public, comprenant des personnes que vous ne connaissez pas. Vous serez alors sans doute amené à taire certains faits concernant vos proches, peut-être à modifier des noms, des lieux ou des dates. Vous aurez besoin d’être très précis : ce qui vous semble évident ne le sera pas pour tous vos lecteurs.

Vous comprenez donc bien qu’il est nécessaire de préciser qui vous lira avant de commencer à écrire : si vous ne le faites pas ou si vous changez d’avis au cours de la rédaction de votre livre, vous serez amené à récrire ce que vous avez déjà rédigé.

2. Quel est votre objectif ? Quelle impression avez-vous envie de laisser à vos lecteurs ?

Une fois que vous avez déterminé à qui s’adressera votre livre, demandez-vous quelle conclusion vous voulez que vos lecteurs tirent de votre récit.

Que votre vie a été trépidante, formidable, étonnante, simple, triste, injuste ?…

Que vous l’avez menée, subie, construite, réussie, ratée ?…

Quelle impression voulez-vous leur laisser ? Quelle philosophie de la vie, quel regard sur votre parcours souhaitez-vous transmettre ?

3. Quelle période ou quel aspect de votre vie allez-vous raconter ?

Une autobiographie ne présente pas nécessairement l’ensemble du parcours de son auteur.

Vous pouvez choisir d’en traiter tous les aspects et en profiter pour relater les faits marquants de la vie de vos parents, grands-parents, voire arrière-grands-parents.

Vous pouvez tout aussi bien limiter votre récit à une période de votre vie : votre enfance, vos années d’expatriation dans un pays lointain, vos aventures pendant un événement historique (guerre, mai 68…), votre vie pendant et après un événement qui l’a métamorphosée (accident, rencontre, émigration…).

De même, vous pouvez consacrer votre récit à un seul aspect de votre existence : votre vie professionnelle, vos activités associatives, votre vie amoureuse, votre rôle de parent…

Bien évidemment, on ne peut pas raconter tout ce qui nous est arrivé au cours de la période que l’on souhaite évoquer. Nous devons faire des choix. Ils ne sont pas toujours faciles à faire ! Les vôtres devront être cohérents avec vos objectifs et l’impression que vous voulez laisser à vos lecteurs.

Si vous souhaitez montrer que vous avez mené une vie globalement heureuse, que vous estimez avoir eu de la chance, ne racontez pas uniquement les malheurs qui vous sont arrivés. D’une façon générale, nous avons tendance à trop nous focaliser sur les aspects négatifs de notre vie et à oublier tout ce qu’elle a eu de beau. Nous laissons alors une impression triste et négative, parfois très loin de notre ressenti réel.

Par ailleurs, si vous avez du mal à faire le tri entre souvenirs à raconter et souvenirs à mettre de côté, mettez-vous à la place de votre lecteur : qu’est-ce qui va l’interpeler, le faire réagir (quel que soit le sentiment suscité : surprise, amusement, indignation…) ? Qu’est-ce qui sera porteur de sens pour lui ? Laissez de côté tout ce qui est anecdotique, conservez ce qui vous permet d’expliquer comment vous êtes devenu la personne que vous êtes aujourd’hui et ce qui fera revivre les époques que vous avez traversées, les lieux que vous avez fréquentés, le métier que vous avez exercé, les personnes qui vous ont influencé ou marqué…

4. Allez-vous vous raconter à la 1e personne du singulier, à la 2e ou à la 3e ?

=> L’auteur de son autobiographie se raconte le plus souvent à la première personne : « je suis né tel jour à tel endroit.. Mon père s’appelait… Ma mère… ».

Ce choix renforce l’impression de confidence, de sincérité, de proximité entre l’auteur et son lecteur. Le premier invite le second à un voyage au plus près de son intimité et de ses sentiments.

=> Vous pouvez, au contraire, préférer mettre de la distance avec votre récit en parlant de vous à la 3e personne (« Il est né tel jour, à tel endroit… »). Ce choix ne correspond pas à une démarche prétentieuse :

– Il peut signifier qu’utiliser la première personne vous est trop douloureux : il vous est plus facile de raconter votre histoire comme si elle était arrivée à quelqu’un d’autre. Cela vous permet de moins souffrir à l’évocation de certains faits.

– Il peut aussi montrer qu’à travers votre expérience, vous souhaitez parler de celle d’un groupe de personnes dont vous devenez le représentant (les pieds-noirs, les déportés, les personnes exerçant telle profession, les appelés envoyés en Algérie pendant la guerre d’indépendance…).

– Il peut enfin résulter du besoin de vous raconter de façon anonyme, par exemple pour protéger votre entourage ou certains protagonistes de votre vie, si certains passages sont sensibles ou confidentiels.

En utilisant la 3e personne, vous devenez le personnage d’un récit. Il peut porter un prénom et un nom différents des vôtres. Vous pouvez aussi changer le nom des autres « personnages » de votre récit, celui des lieux, voire modifier des dates.

=> Vous pouvez enfin opter pour la 2e personne : « tu es né tel jour à tel endroit ». Votre récit devient un monologue intérieur ou une discussion avec vous-même : « Te souviens-tu de ce jour où tu as rencontré telle personne ? »

5. Allez-vous vous raconter au présent ou au passé ?

Si vous ne vous posez pas cette question avant de commencer à écrire, vous pouvez être certain que vous rédigerez certaines parties au présent, d’autres au passé (parfois au passé simple, parfois au passé composé), en fonction de votre humeur le jour où vous avez pris la plume. Il vous faudra ensuite uniformiser votre récit. Mais changer le temps de la moitié des phrases d’un livre prend un bon moment !

Cela étant dit, quel temps choisir ? Les futurs auteurs de leur autobiographie hésitent souvent…

Le présent est plus facile à manier. Il est également plus facile à lire. Il donne un récit plus proche du langage parlé, il gomme la distance entre l’événement raconté et le moment présent.

L’association passé simple – imparfait est plus littéraire. Elle est plus difficile à manier et met la plus grande distance entre l’événement raconté et le lecteur.

L’association passé composé – imparfait donne un style moins soutenu que le passé simple-imparfait. Il est facile à utiliser, facile à lire et met une moindre distance entre le récit et son lecteur.

Si vous hésitez, le plus simple est d’écrire un petit paragraphe autobiographique au présent, puis de le mettre au passé simple – imparfait, puis au passé composé – imparfait. Vous verrez ce qui vous correspond le mieux. Ensuite, tenez-vous à votre choix !

6. Sur quel ton allez-vous vous raconter ?

Il vous faut trouver le ton qui vous correspond le mieux (celui dans lequel vous serez le plus à l’aise) : ne vous lancez pas dans un récit sur le ton de l’humour si, dans la vie courante, vous n’en avez aucun ! Plus encore, choisissez le ton qui servira le mieux vos intentions. Les possibilités sont nombreuses : le ton de votre autobiographie peut être sérieux, gai, humoristique, décalé, nerveux, neutre (factuel, sans émotion), nostalgique, empreint d’incompréhension, de regret, de révolte, d’amertume, de bienveillance… Votre livre peut être un vaste fou-rire, être angoissant comme un polar, déborder de joie de vivre, d’énergie, de bonheur, de plaisir… La liste est sans fin.

À vous d’en choisir un ou plusieurs, à condition qu’ils soient compatibles (par exemple, drôle et nostalgique). Je vous conseille cependant d’éviter d’être agressif, vindicatif ou amer. Si tel est le ressenti que vous voulez laisser à vos lecteurs, il est plus efficace de faire en sorte qu’ils éprouvent ces sentiments que de leur imposer les vôtres par un ton qui pourrait les heurter et les dissuader de vous lire. Être factuel et aussi objectif que possible, par exemple, permettra à vos lecteurs de se faire leur opinion. Ils abonderont sans doute dans votre sens.

Le ton de votre livre peut aussi être en décalage, voire opposé au message de votre livre. Le résultat est détonant ! Pour en savoir plus, lire l’article « Il a jamais tué personne, mon papa (de Jean-Louis Fournier) ».

Pour conclure, je vous rappelle mon conseil : écrivez vos réponses aux 6 questions posées dans cet article et relisez systématiquement vos réponses avant de vous mettre à écrire pour les avoir en tête et rester cohérent avec vos objectifs.

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1 Comment

  1. Sam Yorke

    Merci pour vos bon conseils, j’y vois plus clair a present.

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