Je conseille souvent la lecture de ce petit livre remarquable aux personnes qui ont le projet d’écrire leur autobiographie.
Il ne s’agit pas d’une autobiographie à proprement parler, mais d’un « récit personnel » consacré au père de l’auteur et qui relate ses souvenirs d’enfance auprès de ce papa si particulier.
Ce livre peut être une formidable source d’inspiration pour tout apprenti écrivain qui souhaite écrire sur sa vie, en particulier sur des faits douloureux ou dramatiques :
– Sur la forme :
Le récit de Jean-Louis Fournier est composé de 66 chapitres très courts (beaucoup font une page). Chaque chapitre évoque une scène qui illustre une facette ou une facétie de ce papa étrange : plutôt qu’un récit chronologique et exhaustif, l’auteur nous offre des coups de projecteur sur des moments révélateurs, qui permettent aux lecteurs de se construire progressivement une représentation précise de ce père et de l’enfance qu’a vécue son fils à ses côtés. Chaque chapitre est comme une pièce du puzzle que forme ce livre.
Utiliser cette façon de procéder dans votre autobiographie peut être intéressant :
Il est plus facile d’écrire une soixantaine de textes très courts sur des moments clés de votre vie que de se lancer dans la rédaction d’un « bloc » de 200 pages.
La clé est cependant de bien choisir les scènes que vous raconterez : variées, parlantes, marquantes ou saisissantes, conformes au message que vous voulez transmettre et à l’ambiance que vous souhaitez recréer. Elles doivent frapper l’esprit du lecteur. Les textes, très concis, doivent être percutants.
– Sur le fond :
Grandir auprès d’un père alcoolique, parfois violent (les mots fusent, les objets volent), qui mourra à 43 ans, n’a pas été facile. Jean-Louis Fournier aurait pu écrire un récit plein de pathos, qui aurait tiré des larmes à ses lecteurs. Il aurait pu s’inspirer de Zola ou de Dickens, faire dans le misérabilisme. Il aurait pu avoir des mots durs contre son père, se révolter de ne pas avoir mené une enfance sereine et insouciante.
Son choix est tout autre et beaucoup plus percutant. Il raconte ce qu’il a vu et vécu à travers les yeux du petit garçon qu’il était : avec ses mots, sa naïveté, son interprétation des événements qu’il n’avait pas encore la capacité de décrypter correctement, sa conviction que ce qu’il vivait était la normalité.
Le ton est enfantin, son regard est toujours tendre et indulgent. Il raconte ses anecdotes de façon amusante et légère, parfois vraiment cocasse. Les chapitres s’achèvent sur un jeu de mots, un clin d’œil, une pensée amusante en décalage avec la scène dramatique racontée.
Je conseille à toute personne souhaitant écrire sur des faits traumatisants de se poser la question suivante : vais-je écrire un drame ou un livre léger et humoristique ? Il a jamais tué personne, mon papa est la preuve que l’on peut relater des faits lourds, glauques, destructeurs comme on raconterait des petits faits drôles et anodins du quotidien. Le résultat est beaucoup plus agréable à lire, sans que le message en soit amoindri. Au contraire. Car c’est le lecteur qui tire ses propres conclusions sur la situation décrite, au lieu de se voir imposer la douleur de l’auteur.
Jean-Louis Fournier nous fait constamment osciller entre le sourire (notamment dû au décalage entre les faits et l’interprétation qu’en a l’enfant) et les larmes (car, en tant qu’adultes, nous comprenons très bien la situation réellement vécue par sa famille).
Choisir cette approche n’est pas une solution de facilité : il est plus facile de faire pleurer que de faire rire. Mais le résultat sera une expérience mémorable pour vos lecteurs. Le message passera avec une grande force.

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