Les hommes savent, depuis la nuit des temps, qu’il faut des rituels très stricts et un long apprentissage pour qu’enfin, parfois, la parole émerge du tumulte.
Philippe Meirieu, Fernand Oury. Y a-t-il une autre loi possible dans la classe ?
L’écriture d’un livre est un exercice facilité par des rituels. Elle s’en nourrit. C’est vrai de la plupart des activités artistiques humaines. Le phénomène me semble particulièrement marqué dans le cas de la littérature.
Certains écrivains travaillent mieux quand ils sont installés dans un café bruissant de vie. D’autres s’accompagnent systématiquement d’un fond de musique. D’autres encore imposent un silence absolu.
Tel auteur écrira toujours assis à son bureau, de 8 heures à 11 heures du matin, impérativement au stylo-plume, sur un cahier d’un certain format et d’une marque bien précise. Et il ne pourra pas commencer avant d’avoir englouti trois mugs de thé.
Alors qu’un autre s’installera toujours dans son salon, écrira entre 23 heures et 5 heures du matin, sur son ordinateur portable posé sur ses genoux, en enchaînant les cafés.
Ces habitudes deviennent d’indispensables rituels qui favorisent la concentration et appellent l’inspiration.
C’est pourquoi je vous conseille, avant de vous lancer dans la rédaction de votre autobiographie, de vous construire votre propre rituel et de le respecter autant que possible. Au fur et à mesure des chapitres que vous écrirez, vous le peaufinerez naturellement : vous constaterez que vous êtes plus efficace entre telle et telle heures, que vous faites toujours une pause au bout de tant de temps pour aller boire ou grignoter ceci ou cela, ou que vous n’arrivez à rien lorsque vous vous trouvez à tel endroit.
Quelques questions toutes simples aident à définir ce rituel.
Dans quel lieu vous sentez-vous le mieux ?
Est-ce dans votre résidence principale, dans une maison de campagne, dans un lieu public (bibliothèque, café…) ?
– Si c’est dans une maison ou un appartement, quelle pièce aimez-vous particulièrement ?
Quelle est la plus calme, la plus lumineuse, la plus confortable ? Quelle est celle où l’atmosphère est douce, sereine, apaisante ? Il y a de grandes chances pour que ce soit la pièce où vous écrirez le plus facilement.
– Si c’est dans un lieu public, y a-t-il une place que vous préférez aux autres (dans un coin, près d’une fenêtre, au centre…) ?
Quelle est votre heure la plus propice pour écrire ?
– À quelle heure êtes-vous le plus en forme ? Êtes-vous plutôt du matin, de l’après-midi, du soir ? Êtes-vous noctambule, comme de nombreux écrivains, sensibles à l’atmosphère particulière qui règne lorsque les autres dorment ?
– À quelle heure avez-vous le plus de chances d’être tranquille, sans risque d’être interrompu et déconcentré ?
Vos réponses montrent quelle est la tranche horaire la plus propice à l’écriture dans votre cas. Il ne vous reste plus qu’à tenter de concilier votre rythme biologique (plage horaire où vous êtes le plus en forme) et votre environnement (plage horaire où vous ne serez pas dérangé).
Quel est votre matériel de prédilection ?
Êtes-vous plus à l’aise :
– quand vous écrivez à la main ?
– Est-ce alors sur un cahier ou sur des feuilles ?
– Au crayon à papier, au stylo, au stylo-plume ?
– quand vous tapez sur le clavier d’un ordinateur ?
– quand vous dictez votre texte à votre ordinateur (des logiciels le permettent) ?
– ou est-ce quand vous vous enregistrez avec un dictaphone, avant de retranscrire vos propos ?
Si vous ne le savez pas, testez ces quatre façons de procéder. Vous sentirez très vite celle qui vous convient. On ne passe pas aisément de l’une à l’autre. À titre d’exemple, j’ai désormais les plus grandes peines à bien écrire sur feuille, car j’ai pris l’habitude de le faire sur ordinateur et je réfléchis en en fixant l’écran. Il m’est difficile de me concentrer si je ne procède pas ainsi.
Quelles sont les petites habitudes qui vous font vous sentir bien ?
Nous avons tous des petites routines, des manies, des rites qui nous détendent et nous emplissent de bien-être. Se préparer une tasse de thé, manger un carré de chocolat, caresser son chat lové sur ses genoux, ouvrir les fenêtres en grand… Quelles sont vos petites habitudes, sources de contentement et de sérénité, qui vous aident à savourer l’instant ?
Si vous vous les offrez à chaque fois que vous êtes sur le point d’écrire, elles vont devenir un déclencheur de l’inspiration : satisfait de cette récompense avant l’heure, votre cerveau va se mettre en ordre de marche et dans de bonnes dispositions pour continuer votre récit.
Avez-vous des objets inspirants ?
Écrire un livre est une activité de longue haleine qui requiert de l’énergie. Il est très efficace de s’entourer d’objets qui vont vous soutenir et vous inspirer :
– photos de l’époque sur laquelle vous allez écrire,
– souvenirs rapportés de voyages,
– plantes,
– objet offert par une personne qui vous est chère
– livre préféré
– tableau qui vous touche particulièrement…
À titre d’exemple, mon bureau est couvert de petits objets faits par mes enfants ou les symbolisant.
Je vous conseille d’identifier les objets susceptibles de vous porter dans votre projet d’écriture et de les disposer sur votre bureau ou table de travail. Ils contribueront à créer une atmosphère propice à la fois à la remémoration de vos souvenirs et à la rédaction de votre récit.
Comment vous sentir bien physiquement ?
Vous avez, bien sûr, intérêt à rechercher des conditions de confort maximales. Il est évident que vous écrirez mieux si :
– vous portez des vêtements douillets et des chaussures qui ne vous font pas mal aux pieds,
– vous ne grelottez pas ni ne transpirez à grosses gouttes,
– la luminosité est adéquate et n’oblige pas vos yeux à « forcer » (il faut éviter à tout prix, par exemple, que l’écran de votre ordinateur soit en contrejour).
Si vous aimez écrire en étant enroulé dans un plaid, en pyjama, les pieds dans des charentaises et toutes lumières allumées, même en plein jour, n’hésitez pas ! Vos lecteurs n’en sauront rien !
Vos réponses à ces six questions définissent l’ambiance qui vous est le plus favorable pour écrire. Elle comprend :
– un lieu
– des horaires réguliers
– un matériel précis
– de petites habitudes agréables à répéter
– des objets inspirants dont il faut vous entourer
– une tenue confortable
L’ambiance ainsi définie aura un effet stimulant et apaisant, elle vous procurera une sensation de bien-être. Essayez de toujours écrire dans cette ambiance propice… et de la faire respecter par vos proches !
Il peut être également efficace d’instituer un rituel de démarrage.
En voici un en trois étapes (mais vous pouvez imaginer quelque chose de tout à fait différent) :
– Commencer par prendre quelques instants pour savourer ce moment rien que pour vous que vous allez vous offrir en écrivant votre autobiographie. Pensez au plaisir de réaliser un projet d’une telle envergure, un projet qui vous touche profondément et qui va vous permettre d’offrir bientôt un cadeau hors du commun à vos proches.
– Écouter un morceau de musique qui vous fait vibrer ou qui semble exprimer ce que vous ressentez.
– Continuer en relisant le texte que vous avez rédigé la fois précédente. Cela va vous aider à vous concentrer et vous permettre d’oublier tout autre sujet (soucis, préoccupations du moment) avant de débuter votre séance d’écriture.
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